Les écrits de Maryse

Les écrits de Maryse

Souvenir d'une rencontre

Une Nouvelle de - © Maryse Le Lay-Jézégabel Fauconier

 

 

 


Depuis quelques jours déjà, nous nous trouvions en vacances en banlieue parisienne chez notre tante qui avec autorité nous faisait déjà visiter des musées, la Tour Eiffel, l'Arc de triomphe, puis encore des musées...

Paris est une très jolie ville, passionnante mais la Bigoudène que je suis en avais assez de cet air pollué et j’avais vraiment besoin d’un coin de verdure et de chants d'oiseaux au lieu de ce perpétuel tintamarre de voitures et de cette chère "Tatie" qui ne cessait de s'esclaffer si près de mes oreilles des :

 

"Fais attention en traversant ! ", "Vas-y maintenant ! ", "Dépêche-toi donc ! ”,

 

bref, j’aspirais à la paix !

Je décidais donc ce 5 septembre d’aller à la campagne.
Après quelques réticences et des réflexions sur mon manque d’intérêts pour notre culture et notre patrimoine le "groupe" accepta enfin de me laisser  pour l’après-midi, dans un petit village au bord de la Marne.

Il était 13 heures environ lorsque l'on me laissa sur le parking de la mairie de Précy-Sur-Marne, un charmant village comptant quelques centaines d'âmes. Les autres allaient voir je ne sais quoi je ne sais où mais peu m’importait, j’étais enfin, seule !

Je parcourus tranquillement la grand’rue, passant devant l’école où résonnaient des cris d’enfants, c’était la Rentrée.
Je descendis ensuite vers la rivière, il faisait un temps magnifique et les feuilles des arbres commençaient à jaunir.

l’automne n’était pas loin, j’adore cette saison et lorsque je respirai à fond il me vint les odeurs si particulière des bois, des champignons, des châtaigniers qui croulaient sous le poids de leurs fruits presque mûrs.
Les oiseaux gazouillaient gaiement et je me sentais en parfaite osmose avec Dame Nature, je m’installais là sur un banc et ouvris mon sac de pique-nique.

De temps à autre je regardais des ouvriers travailler sur leur bateau à fond plat qui ressemble peu à nos bateaux de pêche bretons.
Je terminais mon divin repas lorsque je vis venir vers moi une femme vêtue de noir qui s'avançait à petits pas,  sans se presser et à mon grand étonnement, elle vînt s’asseoir près de moi et engagea la conversation ;


"Bonjour, bon appétit ! "
"Merci ! "


Il y eut un long silence alors j’enchaînai :


"il fait beau, c’est un joli petit village !  ”
"oui, vous n’êtes pas d’ici ?  "
"non, je suis bretonne. "
"ah ! Je connais Nantes " murmura t-elle.


Nous parlâmes de la Bretagne, de ses paysages magnifiques et de son temps capricieux, je suis intarissable lorsque je parle de mon Pays Bigouden mais elle écoutait, approuvait d’un hochement de tête ou d’un sourire, nous étions bien ainsi, à papoter sur ce banc.

Il y a des gens, comme ça, avec qui le courant passe,

avec qui on se sent à l’aise...

Elle s’anima un peu plus encore lorsqu'au fil de notre discussion elle découvrit que j’écrivais à mes heures perdues de la poésie.


"Vous avez vos poèmes avec vous ?  "
"Oui, J’ai toujours mon vieux cahier qui traîne dans mon sac  ”

 

Je le lui tendis, elle le feuilleta puis s’arrêta sur un poème que j’avais intitulé : “L’automne”.


"Je peux le lire ?  "


Un peu gênée, j’acquiesçais.

Elle se mit alors à le lire à voix haute, je rougissais un peu.

Très vite, d’instinct, elle trouva le ton juste, donnant à ce petit poème une intonation qui me surpris, de plus sa voix ne m’était pas inconnue.


"Vous lisez très bien !  "

"moi, je n’y arrive pas, je bafouille toujours, c’est terrible !   "


Elle sourit et retira, un instant, ses lunettes noires, je sursautais car c’est alors que je la reconnus.

Elle me demanda, me tutoyant pour la première fois :

 

"Pourquoi es-tu là ?  ”

 

Maladroitement, je lui expliquais la "Tatie" envahissante et le besoin de me retrouver dans ce village où habitait ce chanteur que j’admirais tant.


"Tu aimerais le rencontrer ?  "
"Oh oui ! J’ai même essayé quelquefois mais... "


Elle sourit à nouveau. J’aimais ce sourire un peu mystérieux qui la rendait si proche et si lointaine par moment.


"C’est quelqu’un  d’accessible et de sympa "
"Vous le connaissez ? "
"Oui bien sûr ! "


Je soupirais,


"Peut-être qu’un jour... "


Soudain elle se leva, coupant court à ma rêverie,

elle me semblait bien lasse tout à coup.


"J’ai froid, viens, je t’invite à prendre le thé à la maison ”
"Merci, c’est gentil " répondis-je, surprise.

 

Lentement nous remontâmes vers l’église et la mairie et nous longeâmes ensuite une petite ruelle.


"C’est ici, entre !  "


j’étais étonnée d’être là, des grands murs entouraient la propriété,.

Elle me fit entrer dans une grande salle où trônait un piano noir que j’eus envie de le toucher mais je n’osais pas.

Elle retira son manteau.


"Assieds-toi, je fais bouillir de l’eau "


Mais je restais là, debout, près de la cheminée. Je ne pouvais m’empêcher d’observer autour de moi. Dans un coin se trouvait un vieux rocking-chair, était-ce le même que sur la fameuse affiche ?

Au mur, des photos d'elle étaient accrochées mais aussi celles de Brel, Moustaki, Depardieu...

 

Le temps semblait s’être arrêté, il régnait dans cette pièce une atmosphère, un parfum envoûtant qui me pénétrait toute entière.


"Curieuse ?   "
"Émue... "


Un matou vînt se frotter à mes jambes. Je le caressais doucement.


"Il se laisse faire, tu dois aimer les bêtes "
"Oui, j’ai quatre chats "
"Quatre ! "
"Voilà, le thé est prêt "


Je m’installais en face d’elle et là comme de vieilles amies, nous discutâmes de tout et de rien (Sans doute beaucoup trop de moi...) de poésie, de nos insomnies, de ce livre qu’elle écrivait avec beaucoup de nostalgie.


"Il est difficile de faire le point sur son passé" me confia t-elle.
"Tu peux me laisser ton cahier de poésie, j’aimerais le lire tranquillement ? "
"Oui, bien sûr ! "
"Ne t’inquiète pas, je te le renverrai par courrier ”


Je ne m’inquiétais pas, je voulais que notre complicité dura toujours.


"Je te fais visiter le jardin ? "
"Avec plaisir "


Elle en était très fière et en parlait avec passion. C’est vrai que c’était un endroit magnifique, un havre de paix où seuls le vent et les oiseaux troublaient le silence.


"C’est mon paradis ! " s’exclama t-elle.


Nous nous assîmes dans le patio. Le chat ne me quittait plus. Elle éclata de rire en le voyant se rouler dans la terre pour ensuite sauter sur mes genoux.


"Arrête, va jouer plus loin !  " lui dit-elle,


Soudain, je regardais ma montre :


“Oh 18 heures ! Il faut que je parte, ma tante doit m’attendre près de la mairie”


Je me levais à regrets, elle cueillit une rose tardive,


"Tiens, c’est pour toi "
"Merci "


Je l’embrassais.


"Si tu reviens à Paris n’hésite pas, reviens me voir !  "
"D’accord, je te téléphonerais avant  "
"Surtout n’oublie pas de me faxer tes nouveaux poèmes  "
"Promis !  "


On s’embrassa encore.


"Merci, merci, pour cette journée merveilleuse " murmurais-je.


La dernière image que je vis d’elle, fût l’image d’une dame vêtue de noir, toute menue, serrant un gilet autour de ses épaules frileuses.

Je ne devais plus jamais la revoir, elle est partie au ciel un certain jour de novembre rejoindre le pays des poètes disparus.

 

Dans ma tête était née une étoile.

 

 

- à Barbara -

Barbara.jpg

 

 

 

 



20/11/2013
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